Un carré antimagique
est un arrangement carré d'entiers consécutifs à partir de l'unité, pour
lequel les sommes des nombres de chaque ligne, de chaque colonne et de chacune
des deux diagonales sont différentes et forment une suite d'entiers
consécutifs. Il a été conjecturé qu’il n'existe pas de carré antimagique
d'ordre 3 formé avec les entiers consécutifs de 1 à 9. Dans le
présent texte, on démontre que cette conjecture est vraie.
Propriétés
des carrés antimagiques
Tout carré d'ordre 3 contient huit
rangées d’éléments : trois horizontales, trois verticales et deux
diagonales. Comme il y a huit rangées, il y a huit sommes entières et
différentes. Chacune de ces huit sommes est appelée valeur d’une rangée et
la somme de ces huit sommes le total. Parmi les neuf cellules, celle du centre
est l'intersection de quatre rangées ; les quatre cellules des coins touchent
chacune à trois rangées ; les quatre cellules situées aux extrémités
de la deuxième ligne et de la deuxième colonne touchent chacune à deux
rangées. Voici la fréquence pour chaque cellule :
Selon la position des
éléments dans la grille, le total peut varier puisque toutes les cellules n’ont
pas la même fréquence. Par exemple, si on place 8 dans la cellule du centre,
sa valeur est 8 ´
4 = 32 ; si on y place 3, la cellule vaut 3 ´
4 = 12. Pour trouver le plus petit total, on attribue 1 à la cellule marquée
4 ; 2, 3, 4 et 5 à celles marquées 3 ; 6, 7, 8, 9 à celles
marquées 2. Le plus petit total est : 4 × 1 + 3(2 + 3 + 4 + 5) + 2 (6 + 7
+ 8 + 9) = 106. Pour trouver le plus grand total, on attribue 9 à la cellule
marquée 4 ; 8, 7, 6 et 5 à celles marquées 3 ; 4, 3, 2, 1 à celles
marquées 2. Le plus grand total est : 4 × 9 + 3(8 + 7 + 6 + 5) + 2(4 + 3 + 2 +
1) = 134.
Soit r la
plus petite valeur d’une rangée, les autres sont dans l’ordre (r +
1), (r
+ 2), (r + 3), ..., (r + 7). Le total est (8r + 28). Si 8r
+ 28 = 106, r = 9,75. La plus petite valeur entière de r est
10. Si 8r + 28 = 134, r = 13,25. La plus grande valeur entière
de r
est 13. Chaque total t peut être divisé en trois parties :
1.
Les trois lignes dont la somme des éléments est 45.
2. Les trois colonnes dont la somme des éléments est aussi 45.
3. Les deux diagonales dont leur somme est (t - 90).
Voici, en regard de la valeur
de r, le total, la somme des deux diagonales et les huit valeurs
attribuables aux rangées :
Tableau
1
r |
10 |
11 |
12 |
13 |
Total |
108 |
116 |
124 |
132 |
Diagonales |
18 |
26 |
34 |
42 |
Rangées |
10 à 17 |
11 à 18 |
12 à 19 |
13 à 20 |
On étudie chaque total
séparément.
Première hypothèse. Le total est
108.
La somme des deux diagonales est 18. Or,
considérant les huit valeurs indiquées dans le tableau 1, la somme la plus
petite de deux rangées est 10 + 11 = 21. Cette somme est supérieure à 18. En
conséquence, il n'y a pas de carré antimagique lorsque le total est 108.
Deuxième
hypothèse.
Le total est 116.
La somme des deux diagonales est 26 (tableau 1).
La somme des entiers de 1 à 9 qui est 45 peut être partagée en trois
parties :
1.
Le médian ou élément du centre qu’on désigne par m.
2.
La quatre éléments des coins qui constituent les extrémités des deux
diagonales. On désigne leur somme par c.
3.
Les quatre éléments qui apparaissent aux extrémités de la deuxième ligne et
de la deuxième colonne. Ces éléments forment les branches d’une croix. On
désigne leur somme par b. Les rangées qui passent par les branches sont
dites médianes.
De ce partage, on peut
écrire : m + c + b
= 45. Comme la somme des deux diagonales est 26, la somme des quatre coins est
(26 - 2m) ; la somme des quatre branches est (19 + m) ;
la somme des deux médianes est (2m + b). Par exemple, si m
= 1, la somme des coins est 24, celle des branches 20 et celle des médianes
22. Le tableau suivant indique ces sommes en fonction des valeurs attribuables
au médian.
Tableau
2
Médian
m |
Somme des coins |
Somme des branches |
Somme des médianes |
1 |
24 |
20 |
22* |
2 |
22 |
21 |
25 |
3 |
20 |
22 |
28 |
4 |
18 |
23 |
31 |
5 |
16 |
24 |
34 |
6 |
14 |
25 |
37* |
7 |
12 |
26 |
40* |
8 |
10 |
27 |
43* |
9 |
8 |
28 |
46* |
Comme la plus petite somme de
deux rangées est 11 + 12 = 23 et que la plus grande est 17 + 18 = 35 (tableau
1), il faut éliminer les sommes des médianes marquées d’un astérisque. En
d’autres mots, il n’y a pas de carré antimagique quand m = 1, car
la somme des médianes est inférieure à 23. Il n’y en a pas quand m
³
6, car la somme des médianes est
supérieure à 35. Il nous reste à vérifier les cas où m est égal à
2, 3, 4 ou 5.
Dans la suite 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18 qui sont les valeurs des rangées, il existe deux couples qu’on
peut attribuer aux diagonales et dont la somme est 26 : (11, 15) et (12,
14). Pour chaque couple, on vérifie tous les cas pour voir si on pourrait
aboutir à des carrés antimagiques.
Partie 1. Les valeurs des
diagonales sont 11 et 15.
La somme des médianes a été établie dans le tableau 2. On la transcrit dans
le tableau suivant et on écrit les valeurs possibles de chaque médiane.
Tableau
3
Médian |
Somme des
médianes |
Valeurs des
médianes |
2 |
25 |
(11, 14)* |
|
|
(12, 13) |
3 |
28 |
(11, 17)* |
|
|
(12, 16)** |
|
|
(13, 15)* |
4 |
31 |
(13, 18)** |
|
|
(14, 17) |
|
|
(15, 16)* |
5 |
34 |
(16, 18) |
Puisque toutes les rangées
doivent avoir une valeur différente, on élimine les cas où 11 et 15
apparaissent dans les médianes. Ces cas sont marqués d’un astérisque. Par
ailleurs, chaque ensemble de trois lignes et de trois colonnes ayant une somme
de 45, les rangées d’un ensemble valent (12, 16, 17) et celles de l’autre
(13, 14, 18). Il faut alors éliminer (12, 16) et (13, 18) parce que ces valeurs
apparaissent dans le même ensemble. Un double astérisque marque ces deux cas.
Il reste à étudier les cas non marqués.
Selon le tableau 3, lorsque les
diagonales valent 11 et 15, il reste trois paires de médianes : (12, 13), (14,
17) et (16, 18). Dans le tableau suivant, en regard de chaque médian, on donne
la valeur des médianes, les sommes des coins et les éléments possibles des
quatre coins apparaissant dans les diagonales A et B. Puis, on donne les sommes
des branches et les éléments possibles des quatre branches apparaissant dans
les médianes C et D. Par ailleurs, dans la colonne S, un nombre donné
représente une valeur qui ne peut être attribuée à aucune des quatre
rangées périphériques (lignes 1 et 3, colonnes 1 et 3).
Tableau 4
Médian
m |
Valeur
des
médianes |
Sommes des
coins |
Coins de
la diagonale A |
Coins de
la diagonale B |
Sommes
des
branches |
Branches de
la médiane
C |
Branches de la médiane
D |
S |
2 |
(12, 13) |
(9, 13) |
1, 8 |
4, 9 |
(10, 11) |
3, 7 |
5, 6 |
14* |
|
|
|
1, 8 |
6, 7 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
3, 6 |
4, 9 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
3, 6 |
5, 8 |
|
1, 9 |
4, 7 |
13* |
|
|
|
4, 5 |
6, 7 |
|
1, 9 |
3, 8 |
16* |
4 |
(14, 17) |
(7, 11) |
1, 6 |
2, 9 |
(10, 13) |
(3, 7) |
(5, 8) |
12* |
|
|
|
1, 6 |
3, 8 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
2, 5 |
3, 8 |
|
1, 9 |
6, 7 |
13* |
5 |
(16, 18) |
(6, 10) |
2, 4 |
1, 9 |
(11, 13) |
3, 8 |
6, 7 |
l |
|
|
|
2, 4 |
3, 7 |
|
- |
- |
* |
D’après les résultats du tableau, trois situations se présentent.
1e Il y a un
nombre suivi d’un astérisque dans la colonne S.
Cela signifie qu’il a été possible de trouver des éléments pour les coins
des diagonales et pour les branches des médianes. Dans un carré, on écrit le
médian et les éléments des coins. On essaie de trouver au moins une somme qui
ne peut pas apparaître dans les quatre rangées périphériques. Par exemple,
lorsque m = 2 et que les coins sont (1, 8) et (4, 9), on écrit ces
éléments comme ceci.
Parmi les valeurs autres que 11
et 15, on vérifie s’il existe au moins une valeur qui ne peut pas être
attribuée aux rangées périphériques. Dans cet exemple, 14 est une de ces
valeurs. En effet, il manquerait 9 sur la première ligne, - 3 sur la troisième
ligne, 4 dans la première colonne et 2 dans la troisième colonne. Or, 9, 4 et
2 apparaissent déjà dans le carré ; -3 n’est pas dans l’intervalle
de 1 à 9. Comme on ne peut pas attribuer au moins une valeur, soit la 14, ce
carré ne peut pas être antimagique. Il en est de même pour tous les cas où
une somme apparaît dans la colonne S.
2e Il y a un
astérisque seul dans la colonne S.
Un tiret indique qu’il n’est pas possible de compléter les médianes, car
autrement un même élément apparaîtrait plus d’une fois. Par exemple,
lorsque le médian est 2 et que les coins des diagonales sont (1, 8) et (6, 7),
les éléments qui restent à placer dans les branches sont (3, 4, 5, 9). Comme
les sommes des branches sont 10 et 11, on ne peut pas combiner ces éléments
deux à deux pour donner ces sommes. L’astérisque marque l’élimination de
ces cas.
3e Il y a un
cercle dans la colonne S.
Un seul cas se présente où chaque somme peut apparaître au moins une fois
dans les quatre rangées périphériques. C’est le cas où le médian est 5 et
que les coins sont (2, 4) et (1, 9). On le traite séparément. On écrit le
médian ; puis on complète les diagonales comme ci-dessous à gauche. Les
lettres A, B, C et D sont mises pour des éléments à trouver.
2 |
C |
1 |
|
2 |
8 |
1 |
B |
5 |
A |
|
6 |
5 |
7 |
9 |
D |
4 |
|
9 |
3 |
4 |
On complète le second carré
ainsi. Au lieu de A, on écrit 7 : c’est la seule façon d’avoir une
rangée de valeur 12. On doit compléter la ligne avec 6 en B car 6 et 7 doivent
apparaître dans la même médiane. On doit placer 8 en C et on complète la
colonne avec 3 en D. Il manque les sommes 13 et 14 ; en revanche, deux
sommes apparaissent chacune deux fois : 11 et 16. Ce carré n’est pas
antimagique.
Bref, il n’existe pas de
carré antimagique quand les valeurs des diagonales sont 11 et 15.
Partie 2. Les valeurs des
diagonales sont 12 et 14.
La somme des deux médianes a été établie dans le tableau 2. On la transcrit
dans le tableau suivant et on écrit les valeurs possibles de chaque médiane.
Tableau
5
Médian |
Somme des deux médianes |
Valeur de chaque médiane |
2 |
25 |
(11, 14)* |
|
|
(12, 13)* |
3 |
28 |
(11, 17) |
|
|
(12, 16)* |
|
|
(13, 15)** |
4 |
31 |
(13, 18) |
|
|
(14, 17)* |
|
|
(15, 16) |
5 |
34 |
(16, 18)** |
Puisque toutes les valeurs des
rangées doivent être différentes, on élimine les cas où 12 et 14
apparaissent dans les médianes. Ces cas sont marqués d’un astérisque. Par
ailleurs, chaque ensemble de trois lignes et de trois colonnes ayant une somme
de 45, les rangées d'un ensemble valent (11, 16, 18) et celles de l'autre (13,
15, 17). Il faut alors éliminer (13, 15) et (16, 18) parce que ces valeurs
apparaissent dans le même ensemble. Un double astérisque marque ces deux cas.
Il reste à étudier les cas non marqués.
Selon le tableau 5, lorsque les
diagonales valent 12 et 14, il reste trois paires de médianes : (11, 17), (13,
18) et (15, 16). Dans le tableau suivant, on étudie ces cas comme dans le
tableau 4.
Tableau 6
Médian
m |
Valeur
des médianes |
Sommes
des
coins |
Coins de la
diagonale
A |
Coins de la
diagonale
B |
Sommes
des
branches |
Branches de
la médiane
C |
Branches de
la médiane
D |
S |
3 |
(11, 17) |
(9, 11) |
1, 8 |
2, 9 |
(8, 14) |
- |
- |
* |
|
|
|
1, 8 |
4, 7 |
|
2, 6 |
5, 9 |
15* |
|
|
|
1, 8 |
5, 6 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
2, 7 |
5, 6 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
4, 5 |
2, 9 |
|
1, 7 |
6, 8 |
11* |
4 |
(13, 18) |
(8, 10) |
1, 7 |
2, 8 |
(9, 14) |
3, 6 |
5, 9 |
11* |
|
|
|
2, 6 |
1, 9 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
2, 6 |
3, 7 |
|
(1, 8) |
(5, 9) |
11* |
|
|
|
3, 5 |
1, 9 |
|
2, 7 |
6, 8 |
15* |
|
|
|
3, 5 |
2, 8 |
|
- |
- |
* |
4 |
(15, 16) |
(8, 10) |
1, 7 |
2, 8 |
(11, 12) |
5, 6 |
3, 9 |
11* |
|
|
|
2, 6 |
1, 9 |
|
3, 8 |
5, 7 |
13* |
|
|
|
2, 6 |
3, 7 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
3, 5 |
1, 9 |
|
- |
- |
* |
|
|
|
3, 5 |
2, 8 |
|
- |
- |
* |
L’interprétation des
données de la colonne S est identique à celle du tableau 4. Tous les cas sont
donc éliminés. Bref, il n’existe pas de carré antimagique lorsque les
valeurs des diagonales sont 12 et 14.
Dans
cette deuxième hypothèse, on a examiné tous les cas possibles quand les
valeurs des diagonales sont (11, 15) et (12, 14). On n’a trouvé aucun carré
antimagique. Il n’existe donc pas de carré antimagique lorsque le total est
116.
Troisième hypothèse.
On suppose qu'il existe au moins un carré
antimagique dont le total est 116. De 10, on soustrait chaque élément de ce
carré. On retrouve les entiers de 1 à 9. De 30, il faudrait alors soustraire
chacune des valeurs des rangées. On obtiendrait : 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et
19. Ce sont précisément les valeurs des rangées lorsque le total est 124. On
illustre ces propos par un exemple. On suppose que le carré de gauche formé
des entiers de a à i
est antimagique. On imagine que les valeurs des rangées sont celles
données à droite et en bas du carré. En appliquant les opérations
expliquées précédemment, on obtient le carré de droite avec les valeurs
de
chaque rangée.
|
|
|
11
|
|
|
|
|
19
|
a
|
b
|
c
|
16
|
|
10-a
|
10-b
|
10-c
|
14
|
d
|
e
|
f
|
12
|
|
10-d
|
10-e
|
10-f
|
18
|
g
|
h
|
i
|
17
|
|
10-g
|
10-h
|
10-i
|
13
|
18
|
13
|
14
|
15
|
|
12
|
17
|
16
|
15
|
Si les lettres de a à i
sont mises pour les entiers de 1 à 9, le carré de droite contient aussi les
entiers de 1 à 9. Les valeurs des rangées du carré de gauche varient de 11 à
18 : leur total est 116 ; tandis que celles du carré de droite
varient de 12 à 19 : leur total est 124.
En
conséquence, comme il n'existe pas de carré antimagique dont le total est 116,
il n'en existe pas dont le total est 124.
Quatrième hypothèse.
La somme des deux diagonales est 42. Or,
considérant les huit valeurs des rangées, la somme la plus grande de deux
rangées est 19 + 20 = 39. Cette somme est inférieure à 42. En conséquence,
il n'y a pas de carré antimagique lorsque le total est 132.
Conclusion
Après un examen détaillé des seules quatre
hypothèses, on n'a trouvé aucun carré antimagique. En conséquence, il
n'existe pas de carré antimagique d'ordre 3 formé avec les entiers
consécutifs de 1 à 9.
Û
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