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Les
manuels scolaires de mathématiques fourmillent de problèmes dont la
facture est sensiblement identique : des données simples parfois
situées dans un contexte et une question ou une tâche à accomplir. Au
19e siècle, certains auteurs se sont démarqués
par l’originalité de la facture des problèmes. Cet article contient
17 problèmes surprenants.
Sommaire
1.
Huit problèmes de Louis Bentz
2.
Huit problèmes de Pierre-Léon Chavignaud
3.
La laitière et le pot au lait, de L. Jourdain
En
guise de conclusion
1.
Huit problèmes de Louis Bentz
Louis
Bentz dans ses Premiers éléments
d'arithmétique, suivis de problèmes raisonnés en forme d'anecdotes
présente des problèmes originaux à l’intention des élèves de 9 à
12 ans. Le livre fut publié à Paris en 1835.
Problème
1
Ce
problème est écrit en vers.
Cinq
garçons disaient une fois :
« Allons,
amis, jouons aux noix !
Le premier dit en avoir trente,
L'autre qu'il en avait cinquante ;
Le troisième en avait vingt-six ;
Les deux derniers, ensemble dix. »
Combien
de noix avaient-ils tous ensemble ? (p. 120)
Solution.
On fait : 30 + 50 + 26 + 10 = 116. Les amis ont 116 noix.
Problème
2
Ce
problème laisse filtrer des leçons morales pour les enfants à qui
l’auteur s’adresse
Pierre
et Philippe, deux frères, reçurent de leur père une somme égale
d'argent pour leur nouvel an. Pierre, qui était enclin au jeu, perdit
tout son argent. Philippe, au contraire, en fit un très bon usage.
Quelques jours s'étant passés, le père leur demanda compte de
l'emploi qu'ils avaient fait de leur argent, ce qui embarrassa beaucoup
Pierre qui fut obligé d'avouer qu'il l'avait perdu au jeu ; mais
Philippe dit à son père : « J'ai mis la moitié de mon argent
dans ma bourse. J'ai acheté le livre de lecture dont vous nous avez
parlé et qui m'a coûté 15 sous. J'ai encore acheté 10 sous une jolie
boîte que j'ai donnée à ma petite sœur et j'ai donné les 5 sous qui
me restaient à un pauvre homme qui souffrait beaucoup. »
Le
père était charmé du bon emploi de l'argent de Philippe et il lui fit
aussitôt un beau présent ; mais pour Pierre, il le mit dans une
fabrique (usine) où il fut obligé de travailler durement jusqu'à ce
qu'il eût gagné l'argent qu'il avait perdu au jeu.
On
demande combien d'argent Pierre a perdu ? (p. 121)
Solution.
On fait : 15 + 10 + 5 = 30 et 30 × 2 = 60. Pierre a perdu 60 sous.
Problème 3
Ce
problème laisse filtrer des leçons morales pour les enfants à qui
l’auteur s’adresse. Le début est écrit en vers.
Il
faut de sa santé, mes enfants, prendre soin,
De la sobriété faire toujours usage ;
Le
gourmand veut aller au-delà du besoin,
Se fait mal et périt à la fleur de son âge.
Pierre
et Philippe, dont nous avons parlé dans l'exemple précédent, eurent
un nombre égal d'œufs de Pâques. Pierre, qui, outre la passion du jeu
dont il a été puni, était encore enclin à la gourmandise, ne put
s'empêcher de les manger tous en un jour, ce qui lui causa une
indigestion et le rendit malade. Philippe alla le voir et lui dit :
« Si tu avais fait comme moi, tu ne serais pas malade. J'ai donné
le tiers de mes œufs à maman pour les mettre sur la salade. J'en ai
donné un autre tiers à mes deux sœurs et trois à mon camarade Louis
et j'en ai mangé trois moi-même. »
Combien
d'œufs Pierre a-t-il mangés ? (p. 122)
Solution.
Un tiers des œufs correspond à 6 œufs. Pierre a mangé 18 œufs de Pâques.
Problème
4
Dans
ce problème, la mère de Joseph le met en garde contre les fréquentations
de personnages douteux, comme des trompeurs.
« Joseph,
petit garçon très dissipé, vint un jour en pleurant raconter à sa mère
sa triste aventure. Maman, dit-il, là-bas, sur la place du Marché,
j'ai joué aux jetons avec ce méchant trompeur de Louis. À force de
tromper, il m'a presque tout gagné, et quand je lui ai dit qu'il était
un trompeur, il m'a encore donné des coups.
« Je
m'y attendais bien, répondit la mère ; je te connais un peu enclin à
la querelle. Pourquoi l'appelles-tu trompeur et méchant ? Est-ce que tu
vaux mieux que lui ? »
« Oh
! oui, maman ; je ne trompe jamais. » « Pourquoi
recherches-tu donc la société d'un trompeur ? Pour toute consolation,
je te donne cette leçon que tu seras obligé de me répéter tous les
jours :
Il
faut bien réfléchir avec qui l'on se lie.
Car la société des hommes vicieux
Nous les fait imiter, nous perd, nous humilie.
Et l'ami du méchant n'est jamais vertueux.
« Mais,
dis-moi, combien de jetons as-tu donc perdus ? » « Quand
j'ai commencé à jouer, j'en avais 35 ; et puis j'en ai acheté autant
pour six sous et j'en ai eu huit pour un sou. Maintenant j'en ai encore
dix-sept. »
Combien
de jetons a-t-il perdus ? (p. 123)
Solution.
Joseph a perdu 61 jetons.
Problème
5
L’auteur
veut contrer l’étourderie d’une jeune fille.
«
Ma fille, comme vous êtes en âge de pouvoir m'être utile dans les
affaires de la maison, je vous charge de faire dorénavant les
approvisionnements du ménage ; demain vous irez donc au marché faire
emplette de ce dont nous avons besoin ; mais pour vous corriger de votre
étourderie et de votre peu d'exactitude à remplir les ordres qu'on
vous donne, vous serez obligée à payer de votre bourse ce dont vous
vous tromperez dans les achats que vous ferez. »
Ainsi
disait la mère d'Adèle, et le lendemain, jour de marché, elle lui
remit 8 francs 50 centimes pour acheter différents objets, comme du
beurre, des œufs, etc.
Pour
cet argent elle apporta à la maison :
Cinq
douzaines d'œufs à 50 centimes la douzaine ;
Deux
livres de beurre à 65 centimes la livre ;
Une
oie pour 1 franc 80 centimes.
Elle
rapporte en outre encore en argent 1 franc 50 centimes.
1e
De combien s'est-elle trompée ?
2e
Si elle avait dans sa bourse 10 francs, combien lui en restait-il ? (p.
126)
Solution
1e
Elle s’est trompée de 1 franc 40 centimes.
2e
Il lui restait 8 francs 60 centimes.
Problème
6
L’auteur
incite les jeunes hommes à planifier leur avenir.
Un
jeune homme, âgé de 15 ans, nommé Joseph, eut l'idée de se mettre
dans le commerce. Il était actif, entreprenant, et quoiqu'il eût perdu
ses parents de bonne heure, il marchait toujours dans le sentier de la
vertu. Quoi ! se dit-il, passerai-je ma jeunesse dans l'inaction et l' ?
Les biens que mes chers parents m'ont laissés à leur mort, les
dissiperai-je sans penser à l'avenir qui viendrait m'accabler du
fardeau de la tristesse ? Si je ne sème pas dans le printemps de ma
vie, de quel œil, quand l'été sera venu, verrai-je récolter ceux qui
auraient mieux employé leur jeunesse ? Non ! dès ce moment, je veux tâcher
de me former un avenir heureux ; il me faut de l'occupation, et j’irai
la chercher chez un grand commerçant où je ne pourrai manquer de
besogne.
Il
alla donc aussitôt à Francfort-sur-le-Mein, et s'adressa à un négociant
en gros. Celui-ci lui proposa quatre ans d'apprentissage. –
« Quatre ans ! c'est trop, lui dit Joseph ; je crois qu'en
trois ans, avec la peine que j'ai résolu de me donner, je peux être au
fait de vos affaires ! » Le marchand lui demanda, entre autres
choses, s'il connaissait déjà le calcul. –
« J'en ai un commencement dit Joseph. » Pour examiner
les dispositions du jeune homme, le marchand lui donna à calculer ce
qui suit :
1e
Combien coûtent 45 livres de sucre à raison de 186 francs le quintal ?
2e
Si le quintal de café coûte 243 francs, combien en coûteront 57
livres ?
3e
À combien reviennent 82 livres de sirop, si le quintal coûte 76 francs
?
Joseph.
– « Je n'aurai pas
grande peine à calculer cela. Comme il y a cent livres dans le quintal,
la livre doit coûter autant de centimes que le quintal coûte de francs
; je n'ai donc qu'à multiplier le nombre des livres avec le prix du
quintal, que je regarde comme des centimes, et toutes ces opérations
seront faites. »
Le
négociant fut si content de lui qu'il lui remit deux ans de son
apprentissage.
Quel
est le résultat de ces trois opérations ? (p. 128)
Solution.
1e
83 francs 70 centimes
2e
138 francs 51 centimes
3e
62 francs 32 centimes
Problème
7
L’auteur
incite des jeunes garçons à être vertueux.
Jules,
Louis et Henri, trois frères, allèrent ensemble faire des vœux à
leur père pour son anniversaire. Celui-ci les reçut avec plaisir et
leur dit : « Mes chers fils, vous me souhaitez encore une longue
vie, vous désirez que vous puissiez m'exprimer vos vœux encore
cinquante ans. Vous savez que cela ne dépend que du bon Dieu ; mais ce
qui dépend de nous, quelle que soit la durée de notre vie, c'est que
nous marchions toujours dans le chemin de la vertu. Celui qui ne s'en
est jamais écarté, mourût-il à la fleur de son âge, peut dire qu'il
a vécu longtemps et heureux. C’était là et ce sera toujours le but
où j'aspire. Mon plus grand bonheur sur la terre serait de pouvoir
encore longtemps vous voir suivre ce beau chemin. Mais si un d'entre
vous avait le malheur de s'en écarter, ce serait alors que la vie
deviendrait un triste fardeau pour moi ; alors j'aurais vécu trop
longtemps. Vous savez sans doute le nombre d'années que j'ai déjà vécu
: j'entre précisément dans ma soixante-deuxième. Je récompenserai
celui de vous qui me calculera combien de minutes depuis que je suis au
monde. L'année contient 365 jours et 6 heures ; le jour se compose de
24 heures, l'heure de 60 minutes. »
Solution.
Le père a vécu 32 083 560 minutes
Problème
8
L’auteur
insiste sur l’hygiène et la bonne tenue.
Je
me suis réveillé de bon matin, je me suis levé aussitôt, et je me
suis habillé. J'ai pris de l'eau, je me suis lavé les mains et la
figure. Cela fait, j'ai dit mes prières du matin, demandant à Dieu ses
grâces pour la journée. Puis j'ai embrassé mon père et ma mère,
j'ai pris mes affaires et me suis rendu en classe. En entrant, j'ai salué
mon maître et me suis assis tranquillement à ma place. Le maître
m'appelle au tableau et me propose cette question d'arithmétique :
« Cette salle peut contenir un dixième plus d'élèves que vous
n'êtes en ce moment ; il doit en venir 30 nouveaux pour le mois
prochain, cela fera en tout 140. Dites-moi : Combien êtes-vous d'élèves
en ce moment ? Quand les 30 nouveaux seront venus, y aura-t-il de la
place pour tous ? Combien serai-je obligé d'en renvoyer ? »
Solution.
Il y a 110 élèves en ce moment. Il n’y aura pas de la place pour
tous. Aussi, 19 élèves devront être renvoyés.
2.
Huit problèmes de Pierre-Léon Chavignaud
Pierre-Léon
Chavignaud a écrit une arithmétique unique en son genre. Son livre Nouvelle
arithmétique publié à Lyon en 1847 est en vers. Voici
l’introduction :
« Suspends,
ami lecteur, la mordante critique,
Je
vais écrire en vers la docte Arithmétique :
J'invoque
d'Apollon les grâces et la voix,
Afin
de t'expliquer ses immuables lois.
Mon
but est de t'instruire, et mes sages pensées,
Du
méchant braveront les pointes émoussées.
Il
faut que la science attache ici tes pas ;
Apprends
à calculer et tu t'enrichiras :
À
l'homme industrieux, elle est indispensable ;
Je
vais l'orner de fleurs pour la lui rendre aimable.
Cet
aride sujet, difficile à traiter,
Dans
mon rapide essor ne saurait m'arrêter :
Je
n'ai qu'un seul désir, en suivant ma carrière,
C'est
de me rendre utile, et je suis sûr de plaire.
J'arrache
en mon chemin chaque arbuste épineux ;
J'aplanis
du savoir les sentiers tortueux ;
De
l'humble poésie empruntant la figure,
Je
fertilise un champ avide de culture ;
Et,
grâce à ses attraits, l'âpre stérilité,
Prend
un aspect riant sur un sol enchanté. » (Fin du texte cité)
Bravo,
si vous avez lu ce texte jusqu’à la fin.
Le problème ci-après met en scène un maquignon qui vend son
cheval dont les fers ont 24 clous. Il veut 2 centimes pour le premier
clou, 4 pour le deuxième, 8 pour le troisième, ainsi de suite en
doublant pour chaque clou.
Problème
1
Un
maquignon consent à vendre son cheval,
D'après
un marché fait qui semble original :
Il
ne veut qu'un centime, en suivant son système,
Du
premier clou doublé jusqu'au vingt-quatrième ;
Pour
se défaire enfin de ce coursier mignon,
Quel
prix doit-on donner à l'adroit maquignon ?
Solution
Sur
le nombre des clous puisque le prix se forme,
À la progression il doit être conforme.
Or, pour le calculer, un principe certain
Dit de doubler les clous et jusques à la fin ;
Et puis d'élever deux, en cette circonstance,
À la vingt-troisième et dernière puissance ;
Et le total acquis, fait voir en terminant
Que le prix du cheval serait exorbitant. (p. 86)
Le
prix du cheval est de 83 886 francs 8 centimes.
Problème
2
Une
dame économe a trente belles terres,
Qu'elle
cherche à placer en des mains étrangères ;
Et
pour se libérer envers ses créanciers,
Et
ne point effrayer d'avides héritiers,
Elle
expose à la fois la moins considérable,
À
la condition qui parait tolérable,
De
n'exiger d'abord qu'un sou du premier bien,
Puis
deux sous du second, jusqu'au trentième enfin,
Et
le doublant toujours, suivant l'offre qui charme.
Quelle
est la somme ici qui revient à la dame ?
Solution
Il
faut pour obtenir le prix en question,
Chercher
le dernier terme et l'abréviation
Dit
de déterminer, d'après notre assurance,
Le
vingt-neuvième acquis en prenant la puissance
De
notre exposant deux : et la multipliant
Par deux, terme second : le nombre résultant
En en retranchant un, carré du premier terme,
En divisant enfin le total qu'il renferme
Par l'excédent cherché, du premier au second,
Qui dans le cas cité ne change rien au fond,
Puisque c'est l'unité, nous montre que la somme
Que notre dame exige, accablerait son homme. (p. 87)
La
somme est de 536 870 911 sous.
Problème 3
Jacob
avait, dit-on, soixante-dix enfants
En entrant en Égypte, et ce père en vingt ans
Vit le nombre augmenter d'un chiffre toujours même ;
Dix époques après, la puissance suprême,
Le rendit protecteur, comme il l'avait promis,
De trente-cinq mille huit cent quarante fils.
De combien sa famille, après cette donnée,
À chaque époque fixe était-elle augmentée ?
Solution
Pour
trouver l'exposant, un principe certain
Nous dit de diviser le dernier terme enfin
Par le premier connu ; le nombre qui résulte
Cinq cent douze fait voir que la puissance occulte
S'exprime ici par huit dont la racine est deux.
Ainsi, tous les vingt ans, Jacob le bienheureux
Vit
doubler sa famille ; et sa haute puissance
Des ennemis vaincus cimenta l'alliance. (p. 88)
Idéalement,
vous devez avoir compris que la famille était augmentée du double.
Problème
4
Quelqu'un
est convenu d'acquitter en cinq ans
Une
somme qu'il doit : chacun de ces paiements,
Est
quatre fois plus fort que celui qui précède,
Et
le dernier de tous ; qui suivant eux succède,
S'élève
à cinq cent douze ; or, le calculateur
Demande
le premier* que fit le débiteur ?
*premier
paiement
Solution
Pour
pouvoir découvrir quel est ce premier terme,
Il
faut chercher d'abord et voir ce que renferme
Le
nombre cinq cent douze, en cherchant à la fois
La
puissance indivise à ce nombre de fois
Que
contient cinq moins un de la raison connue,
Quatre
offre donc ici pour valeur obtenue,
Deux
cent cinquante-six ; l'utile quotient
Dit
qu'il donna deux francs à son premier paiement.
Problème
5
On
dit qu'une personne a, la première année,
Dépensé dix ducats ; d'après cette donnée,
Sachant que tous les ans, en objets superflus,
Elle a, sans réfléchir, consommé trois fois plus,
Que jusqu'à huit cent dix s'éleva la dernière ;
De sa conduite enfin, qui semble irrégulière,
On désire savoir par de justes succès,
Combien d'ans ont duré ses frivoles excès.
Solution
Pour
trouver ce qu'on cherche, il faut que je divise,
D'après un moyen sûr, qu'un principe autorise
Les huit cent dix par dix, j'obtiens quatre-vingt-un.
Or, je vois, tout d'un coup, par un art opportun,
Que c'est du nombre deux la cinquième puissance ;
C'est donc pendant cinq ans que dura sa dépense.
Problème
6
Un
jour, le cuisinier d'un puissant personnage,
Afin
de contenter trois filles du village,
Qui
demandaient des œufs, leur dit en les voyant :
Je
vais donner tous ceux que j'ai dans le moment.
Il
donne la moitié d'abord à la première
Plus
la moitié d'un œuf par faveur singulière ;
À
la seconde, il offre aussi du meilleur cœur
La
moitié qui lui reste, avec même faveur
De
la moitié d'un œuf dont la fille s'empare ;
Enfin
continuant son partage bizarre,
Il
donne à la troisième avec même amitié,
De
son troisième reste encore l'humble moitié,
Plus
la moitié d'un œuf : il eut donc l'avantage
De
tout distribuer. Dans cet heureux partage,
Qui
paraît singulier, combien en avait-il,
Et
comment a-t-il eu l'esprit assez subtil,
Pour
donner des moitiés à chaque jeune fille
Sans
en casser un seul, ni s'échauffer la bile ?
Solution
Cet
homme avait sept œufs : à la première fois
Il
donne la moitié ; dès lors je m'aperçois
Que
c'est trois et demi plus la moitié d'un autre,
C'est
donc quatre en un mot. À notre bon apôtre,
Il
n'en reste que trois, et selon son espoir,
La
seconde en a deux, car cet heureux avoir
Égale
un et demi plus la moitié. Notre homme
N'a
donc plus qu'un seul œuf, il le partage en somme,
En
offrant la moitié, plus la moitié. L'on voit
Qu'il les a tous donnés : le reste se conçoit.
Problème
7
Quinze
sages chrétiens, quinze turcs indociles,
Un
jour dans un vaisseau reconnus inutiles,
Furent
jetés au sort, et le chef sans pitié
Dit
qu'il fallait dès lors en noyer la moitié,
Afin
que le vaisseau, dans cette circonstance,
Put
d'un temps rigoureux vaincre la violence.
Le
capitaine ainsi les range adroitement,
Sur
une même ligne, et dit en les comptant,
Que
du neuvième, hélas ! la tête malheureuse
Subira
du trépas la chance rigoureuse ;
Mais
le bon capitaine avait si bien compté,
Qu'à
chaque neuvième homme un turc était porté.
Comment
les rangea-t-il dans ce triste problème,
Pour
pouvoir opérer cet heureux stratagème ?
Solution
Il
faut, pour réussir, d’abord être certain
Des voyelles qui sont dans ce vieux vers latin :
Populeam virgam mater regina ferebat.
(On
pose A = 1, E = 2, I = 3, O = 4 et U = 5. Les voyelles indiquent en
alternance le nombre de chrétiens et de Turcs.)
En
prendre exactement la formule prescrite,
Plaçant quatre chrétiens et cinq turcs à la suite,
Deux chrétiens, puis un turc, le neuvième en suivant
Sur le turc malheureux sans cesse retombant,
Épargne les chrétiens de ce fatal naufrage ;
Et le vaisseau sauvé, déjà touche au rivage. (Fin de la solution)
Note.
Ce problème est très ancien. Il a été formulé par l’Italien Tartaglia
(1500-1557).
Les chrétiens
doivent occuper les places de rangs 1, 2, 3, 4, 10, 11, 13, 14, 15, 17,
20, 21, 25, 28 et 29. Il doit donc y avoir dans l'ordre quatre chrétiens,
cinq Turcs, deux chrétiens, un Turc, trois chrétiens, un Turc, un chrétien,
deux Turcs, deux chrétiens, trois Turcs, un chrétien, deux Turcs, deux
chrétiens et un Turc.
Problème
8
Les
neuf muses, portant des couronnes de fleurs,
Voulurent en donner à titre de faveurs,
À celles qui suivaient leurs glorieuses traces ;
Bientôt sur leur chemin parurent les trois Grâces.
Les muses à l'envi jalouses d'un tel choix,
S'écrièrent enfin d'une commune voix,
Qu'on devait à chacune accorder cet hommage.
On leur en offrit donc, et d'après le partage,
Les grâces, les neuf sœurs, égales en beauté,
En eurent à l'instant la même quantité.
Combien
en possédaient les filles du Permesse ?
À combien s'éleva leur aimable largesse ?
Solution
On
dit que les neuf sœurs en avaient trente-six,
Et qu'en en donnant neuf par le principe admis,
Il en resta vingt-sept : or, les muses aimables
Cimentèrent la paix sur des bases durables ;
Chacune
en obtint trois, et d'après leurs bienfaits,
Les grâces, les neuf sœurs, ne se quittent jamais.
3.
La laitière et le pot au lait
Dans
son Traité élémentaire
d’arithmétique, L. Jourdain a présenté, en page 165, un problème
fort original. Le manuel scolaire à l’intention des lycéens fut
publié à Paris en 1863.
Ceux
qui connaissent la fable de Jean de la Fontaine ne seront pas surpris de
voir défiler le scénario ; mais ils seront surpris d’y voir se succéder
des tas de données numériques qui finalement n’ont pas toutes à être
considérées dans la résolution du problème. Voici le problème à
gauche et la fable originale à droite :
|
Perrette,
sur sa tête ayant un pot au lait de 20 litres, prétendait
arriver sans encombre à la ville, pour vendre son lait à
raison de 25 centimes le litre.
|
Perrette
sur sa tête ayant un Pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats. |
|
Elle
comptait déjà dans sa pensée tout le prix de son lait ; en
employait l'argent ; achetait un cent d'œufs ; faisait trois
couvées, qui se succédaient de 20 jours en 20 jours, et dont
la première était de 25 poulets, la seconde de 31, la troisième
de 27. |
Notre
laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
|
|
Il
m'est, disait-elle, facile d'élever des poulets autour de ma
maison, en leur donnant par jour, en moyenne, 2,3 litres
d'avoine coûtant 15 centimes le litre. |
Il
m’est, disait-elle, facile,
D’élever des poulets autour de ma maison :
|
|
Le
renard, qui ne me mangera que 6 poulets de 54 jours, 2 de 141
jours, 1 de 185 jours, sera bien habile s'il ne m'en laisse
assez pour avoir un cochon de 41 francs, en vendant mes poulets,
dont la seconde couvée est âgée de 167 jours. |
Le
Renard sera bien habile,
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
|
|
Le
porc à s'engraisser coûtera peu de son, par exemple 8,2
hectolitres, à 19 francs l'hectolitre ; j'aurai, le revendant,
de l'argent bel et bon.
|
Le
porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable :
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon. |
|
Et
qui m'empêchera de mettre en notre étable, vu le prix de 375
francs 45 centimes dont il est, une vache et son veau, que je
verrai sauter au milieu du troupeau ? |
Et
qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ? |
|
Perrette,
là-dessus, saute aussi, transportée ; le lait tombe : adieu
veau, vache, cochon, couvée !
Quelle
est la différence entre la perte réelle et la perte imaginaire
qu‘éprouva Perrette en laissant tomber son pot au lait ? [Un
franc vaut 100 centimes] |
Perrette
là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La dame de ces biens, quittant d’un œil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s’excuser à son mari
En grand danger d’être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l’appela le Pot au lait.
|
Solution. La perte réelle est de 5 francs. La perte imaginaire
est de 375 francs et 45 centimes. La différence est 124 francs et 55
centimes.
En
guise de conclusion
La
plupart des problèmes présentés sont d’une rare longueur. Les
jeunes et les moins jeunes du 21e siècle liraient-ils
jusqu’à la fin ces problèmes ou trouveraient-ils un moyen de mettre
de côté les données inutiles ?
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