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Les plus vieux problèmes de mathématiques ont été
retrouvés en Égypte antique dans un papyrus. Le manuscrit qui contient 87
problèmes résolus d'arithmétique, d'algèbre, de géométrie et d'arpentage,
a été transcrit et enrichi par Ahmès vers 1650 avant l’ère chrétienne. C’était
une copie d’une œuvre écrite deux siècles plus tôt. Voici le problème 26
du papyrus :
Problème 1. Si on additionne ensemble une quantité
et son quart, on obtient 15. Quelle est cette quantité ?
Les Grecs ont en partie construit leur géométrie à partir
de situations amusantes. C'est ainsi que Pythagore, Euclide, Archimède,
Hipparque, Ptolémée, tout en introduisant de nouvelles idées mathématiques,
ont largement contribué, par des problèmes demeurés célèbres, à mettre au
jour les mathématiques récréatives. De tout temps, l’échange de problèmes
a été un puissant moteur de développement des mathématiques. Chez les
Égyptiens et les Orientaux, la question posée n'avait généralement aucune
application dans la vie courante ; elle ne visait qu’à procurer un
divertissement intellectuel.
"Chez tous les peuples anciens qui
ont étudié les sciences, il est probable qu’il a été proposé et résolu
des problèmes amusants, c’est-à-dire des problèmes qui frappent l’esprit
et piquent la curiosité, soit par des énoncés d’une conception amusante,
soit par l’ingéniosité des solutions ou encore par l’intérêt des
résultats auxquels ils conduisent." (Texte
apparaissant dans un livre de Gaston Boucheny (1865-1935), Curiosités et récréations
mathématiques, publié par Larousse en 1939)
Les paradoxes de Zénon d’Élée (v. 495-435 av.
J.-C.) constituent, pour leur part, un défi à l’imagination et ont engendré
l’analyse moderne.
Le grand mathématicien Archimède (287-212 av. J.-C.) a
créé des méthodes de calcul et a introduit de nouvelles notions
géométriques. Un des problèmes qu’il a posés consiste à déterminer le
nombre de bêtes à cornes dans un troupeau.
On lui doit aussi un casse-tête appelé
syntémachion, lequel est à l’origine
des casse-tête géométriques. Il s’est intéressé à des problèmes comme
la rectification du cercle et la duplication
du cube. Une classe de 13 solides a
été nommée en son honneur.
Le mathématicien grec, Diophante d'Alexandrie, qui vécut au
IIIe siècle a étudié les équations dont les solutions sont à
valeurs entières. Aujourd’hui, ces équations sont dites
diophantiennes. Il a écrit un traité
sur les propriétés de certaines classes de nombres
figurés. Voici un
problème tiré de son Arithmétique :
Problème 2. Trouvez trois nombres tels que leur
somme est un carré et que la somme de chaque paire de nombres est aussi un
carré.
Il a aussi posé un problème où on recherche un
quadruplet et un autre deux nombres
carrés.
Au cours des premiers siècles de l’ère
chrétienne et même avant, des auteurs grecs ont écrit de courts textes qui
comprennent des épigrammes, des inscriptions funéraires, des oracles ou des
réflexions philosophiques. Ces textes ont été compilés dans une collection
littéraire Anthologie grecque. Parmi ces textes, on retrouve 48
récréations mathématiques
(voir le texte) qui touchent à des sujets divers comme les poids,
le partage, le temps, les héritages, le remplissage. Plusieurs de ces
problèmes sont basés sur des notions mathématiques comme les fractions. Les
auteurs des 48 problèmes se répartissent ainsi : un est dû à Cléobule
de Lindos (6e s. av. J.-C.), un à Socrate (4e
s. av. J.-C.), un à Diophante d’Alexandrie (4e
s.), 32 à Métrodore (5e s.) et 13 d’auteurs
anonymes. Parmi les récréations de Métrodore, on retrouve le problème de l’épitaphe
de Diophante.
Albinus Flaccus Alcuin (735-804), un théologien anglo-saxon,
composa des récréations pour les fils de l'empereur Charlemagne dont il fut le
précepteur. Ces récréations, la plupart arithmétiques, furent ensuite
réunies dans un recueil Propositions pour aiguiser la perspicacité des
jeunes gens (Voir le texte). Les deux problèmes suivants sont remarquables : celui des
boisseaux
et celui du loup, de la chèvre et du chou. D’après
Jean-Étienne Montucla (1725-1799) dans son Histoire des mathématiques,
l'oeuvre d'Alcuin est considérée comme le germe des récréations
mathématiques. Elle a inspiré plusieurs auteurs médiévaux.
Abu l’Wafa (940-998), un mathématicien iranien, a écrit
un traité sur les carrés magiques. Il a approfondi les
dissections géométriques et les constructions
géométriques à la règle et au compas. Il a notamment posé le problème de
la partition de trois carrés congruents pour former un seul carré dit de
Wafa.
Le manuscrit Bhakshali trouvé en Indes en 1881 aurait été
écrit probablement avant le Xe siècle, si on en juge par son
contenu analysé en rapport avec les connaissances de l’époque. On y trouve
le problème suivant :
Problème 3. Vingt hommes, femmes et enfants
reçoivent en tout vingt pièces. Chaque homme reçoit trois pièces, chaque
femme une pièce et demie et chaque enfant une demi-pièce. Combien y a-t-il
d'hommes, de femmes et d'enfants ?
Le philosophe et astronome d’origine espagnol Rabbi ben
Ezra (1092-1167) s’est intéressé aux permutations, aux combinaisons
et au calendrier. Il écrivit trois
traités sur les nombres. C’est à lui qu’on doit la récréation du stratagème
de Josèphe.
Le mathématicien italien Fibonacci (1175-1240), dont le vrai
nom était Léonard de Pise, fut confronté aux travaux des mathématiciens
arabes dès sa jeunesse lors de nombreux voyages. Il a publié en 1202 Liber
Abaci, un traité en latin, dans lequel il prônait la numération
indo-arabe. Il a aussi écrit Practica geometriae qui faisait la
synthèse des connaissances géométriques et trigonométriques de son époque.
Il fit certaines découvertes, notamment une façon de trouver des triplets
de Pythagore et la relation entre les carrés parfaits
et les nombres impairs. Il est
surtout connu pour avoir découvert une suite
qui est la solution à un
problème de la prolifération de lapins et qui porte son nom grâce à Édouard
Lucas.
Jordanus Nemorarius, dit aussi Jordanus Teutonicus (v.
1180-1237), un mathématicien d'origine allemande, a écrit des traités d’arithmétique
et de géométrie. Il fut le premier à utiliser des lettres comme variables,
sans conduire toutefois à des calculs littéraux. Il étudia les problèmes de
la duplication du cube et de la trisection
de l'angle. Nemorarius et Fibonacci furent les deux plus grands mathématiciens
de l’époque médiévale.
Le mathématicien arabe Ibn Kallikan, en 1256, a été le
premier à poser un problème sur les
échecs. Ce problème consiste à
rechercher le nombre de l’échiquier.
C’est au début du xive siècle que Manuel
Moschopoulos, écrivain de Constantinople, introduisit les carrés magiques en
Europe en les traitant sous une forme mathématique. Jusqu'alors ceux-ci n’étaient
connus que par les alchimistes et les magiciens. En 1300, Moschopoulos écrivit
un traité mathématique sur le sujet. Il s’inspirait alors de l’œuvre de
Al-Buni, un arabe, qui se servait de ces carrés pour établir des idées
mystiques et enseigner des pratiques occultes.
Le plus vieux problème européen d’échecs a été posé
par Guarini di Forli en 1512. C’est une question d’échange
de cavaliers.
Le moine franciscain (1445-1517) Fra Luca Pacioli a publié
en 1498 De divina proportione, un ouvrage dédié au nombre
d’or et à la suite de Fibonacci. Dans De viribus quantitatis, œuvre inachevée
et inédite, où il propose des récréations mathématiques, des proverbes et
énigmes, il a posé ce problème :
Problème 4. Huit religieuses habitent chacune une
cellule autour d’une cour intérieure. On compte trois religieuses sur
chaque côté de la cour, soit une par cellule. Comment devront être disposées les huit
religieuses pour qu’on puisse compter quatre religieuses sur chaque côté
de la cour ?
On doit aussi à Pacioli le problème des ducats.
En 1484, un médecin parisien, Nicolas Chuquet (1445-1500),
termina Triparty en la science des nombres. Cet ouvrage, écrit en français, s’intéressait à l’arithmétique, à l’algèbre et
aux problèmes récréatifs. En effet, on y trouve un chapitre entier qui
contient des récréations tantôt inédites, tantôt inspirées par les travaux
de ses prédécesseurs. Ce chapitre est intitulé Jeux et esbatements qui par
la science des nombres se font. Pour Nicolas Chuquet, c’était une façon
d’appliquer ses théories mathématiques et de développer l’arithmétique
des Arabes. Selon Émile Fourrey, né en 1869, "cet
important ouvrage doit être considéré comme le plus ancien monument de la
science arithmétique et algébrique française." Voici un problème récréatif dont Nicolas
Chuquet est l’auteur :
Problème 5. Un homme a jeté trois dés et tu veux
connaître les points de chacun. Alors, dis-lui qu’il double les points d’un
dé à son choix et qu’il ajoute 5 au résultat. Puis, dis-lui de
multiplier le résultat par 5 et d’additionner les points d’un deuxième
dé. Enfin, dis-lui de placer les points du troisième dé comme unité du
nombre. Et maintenant, demande-lui le nombre qu’il a obtenu. Au moyen de
ce nombre, comment vas-tu faire pour deviner les points des trois
dés ?
Chuquet a repris un problème d’Alcuin faisant intervenir
un loup, une chèvre et un chou. On lui doit aussi des récréations comme
celles des bijoux, des deniers
et du tavernier.
Cornélius Agrippa (1486-1535) s’est intéressé à la
construction de carrés magiques d’ordres 3 à 9 qu’il a associés aux sept
planètes alors connues, le plus vieux carré magique connu étant celui de
Jaïna.
Niccolo Tartaglia (1499-1557), un mathématicien italien, a
écrit L’arithmétique qui contient plusieurs problèmes de
mathématiques amusantes. On y trouve la récréation de traversées de ménages,
celle de transvasement et celle de décimation
dans laquelle apparaissent des chrétiens et des Turcs.
Le mathématicien italien Jérôme Cardan (1501-1576) a
mentionné pour la première fois en 1550 un solitaire
qu’il a appelé le baguenaudier.
Diego Palomino a publié en 1599 un traité sur les carrés
magiques. Il fut sans doute inspiré par la célèbre peinture Melencholia
gravée en 1514 par Albretch Dürer (1471-1528) dans laquelle un carré
magique apparaît.
Au 17e
siècle, une révolution scientifique s’opère. On réimprime les oeuvres des
Anciens et on édite des recueils destinés à rendre plus accessibles les
textes connus. "On y trouve, en effet, en premier lieu, des
problèmes plaisants et délectables et des questions inouies,
proposés à coup sûr, pour la plupart, aux savants et aux professeurs plus qu’aux
écoliers et aux étudiants. Parmi ces ouvrages, voici, pris au hasard, les Problèmes
plaisans et délectables qui se font par les nombres de Bachet de Méziriac
(1612, 1624), les Problemata duo nobilissima, de Cyriaque de Mangin
(1616), les deux cents questions ingénieuses et récréatives extraictes et
tirées des Oeuvres mathématiques de Valentin Menher, allemand, avec quelques
annotations de Michel Coignet, le tout corrigé et mis en ordre par Didier
Henrion, les Récréations mathématiques du Père Leurechon, qui furent
à l’origine de tant de belles disputes et de savantes solutions qui venaient
gonfler, à chaque réédition, le texte primitif ; ou encore les Questions
inouies ou récréation des savants, de Mersenne." (Extrait de
Livre, pouvoirs et société à Paris au XVIIe siècle, 1598-1701, vol. 1 p.
245).
Claude-Gaspard Bachet de Méziriac (1581-1638) mit à jour le texte grec
de l’Arithmétique de Diophante en l’accompagnant d’une traduction latine.
Il écrivit
le premier recueil imprimé de récréations mathématiques. Cet ouvrage fut
publié en 1612 sous le titre de Problèmes plaisans et délectables qui se
font par les nombres. Il fut réédité six fois, la dernière étant en
1993. Le livre de Bachet rassemble plusieurs problèmes peu connus à l'époque.
Outre que ce soit une mine de renseignements, c'est, selon
Émile Fourrey, né en 1869, "un modèle d'ingéniosité et de
science". Aussi,
Bachet est considéré comme le pionnier des récréations mathématiques. On
lui doit une récréation de poids,
une autre de disparition intitulée le bourgeois
une autre de cartes qui fut reprise par Ozanam. Bachet a découvert le
plus petit nombre abondant impair. Il a
indiqué un procédé
de formation de carrés magiques normaux d'ordre impair. Il a proposé des
intervalles au jeu de la bataille des nombres.
En 1624, un recueil Récréations mathématiques a
été publié. Il est traditionnellement attribué au jésuite lorrain Jean
Leurechon (1591-1670). Toutefois, il a été révisé et augmenté notamment par
Henrik Van Etten en 1626 et Claude Mydorge en 1630, sans
compter l’apport d’auteurs anonymes. Il a été traduit en allemand et
enrichi par Daniel Schwenter (1585-1636). Il a été aussi traduit en anglais
par William Oughtred en 1667 sous le titre Mathematical Recreations lately
compiled by H. Van Etten, invented and written by W. Oughtred. Ce dernier
auteur publia aussi en 1669 Récréations mathématiques, composées de
plusieurs problèmes plaisans et facétieux.
Le Français Claude Mydorge (1585-1647) fit
paraître en 1630 Examen du livre des récréations mathématiques et de ses
problèmes. En 1659, Denis Henrion publia Les récréations
mathématiques avec l’examen de ses problèmes.
René Descartes (1596-1650) a donné à l’algèbre un essor
remarquable en proposant une notation et en utilisant le premier le terme équation.
Il a aussi apporté une contribution à la théorie des nombres, tout en
établissant une relation entre la géométrie et les nombres. Il a identifié
des nombres amiables, triparfaits
et tétraparfaits. Il a établi les lois de formation des nombres
polyédriques.
Pierre Simon de Fermat (1601-1665) est devenu célèbre
grâce à son dernier
théorème
qui fut démontré en 1993 par l’Anglais Andrew Wiles. Il
est à l’origine de la théorie des probabilités
grâce la résolution d’un problème d’enjeux
posé par le chevalier de Méré (1607-1684). On lui doit d’avoir imaginé un échiquier
arithmétique, un treillis cubique,
une classe de nombres qui portent son nom
et qui apparaissent dans la formation de polygones réguliers. Il a contribué
à approfondir les connaissances concernant les classes de nombres polygonaux,
notamment en élaborant des propriétés. Il a étudié les classes de nombres amiables
et multiparfaits.
Il fut le premier à s’intéresser aux carrés magiques
sous un angle scientifique, en les dissociant ainsi des talismans. Il a
notamment imaginé des procédés généraux pour construire les carrés
magiques impairement pairs.
Blaise Pascal (1623-1662) a écrit un traité sur les nombres figurés
et un autre sur les carrés magiques à . Il a étudié le triangle arithmétique qui porte son nom. En
1654, il a résolu, en correspondance avec Fermat, le problème d’enjeux
posé par Méré.
En 1694, Jacques Ozanam (1640-1717) publia Récréations
mathématiques et physiques. Cet ouvrage a eu beaucoup d’éditions avec
additions successives. Ozanam, un autodidacte, avait un don remarquable pour
communiquer ses connaissances mathématiques. Il accordait une grande importance
à la valeur éducative des récréations. Considéré comme le précurseur des
écrivains contemporains de mathématiques récréatives, il s'est inspiré
largement des travaux de ses prédécesseurs. Son livre fut plus tard revu et
enrichi par Montucla et traduit en anglais par Charles Hutton (1737-1823). On
doit notamment à Ozanam le problème des
cartes et celui des dîners.
En Angleterre, William Leybourn (1626-1700) a publié Pleasure
with Profit en 1694. Il s’inspira aussi de ses prédécesseurs.
À partir du XVIIIe siècle, des mathématiciens
firent réapparaître des problèmes anciens, adaptés aux situations et aux
lieux de leur époque, et en créèrent de nouveaux. L'analyse de quelques-unes
de ces récréations permit alors de développer certains domaines des
mathématiques ou de faire naître de nouvelles théories.
Le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) fit l’analyse
du célèbre problème des sept ponts de Königsberg. Ce problème
souleva un grand intérêt dans la population et pourtant personne ne trouva de
solution. Euler démontra qu’aucun chemin ne
pouvait être tracé. Le loustic qui avait formulé le problème fut sans doute
déçu de la réponse. Mais, il aurait été heureux d’apprendre qu’il avait
provoqué l’éclosion d’une nouvelle branche des mathématiques, la théorie
des graphes. Euler s’est intéressé à de nombreuses suites de nombres
comme les nombres parfaits et les nombres
amiables
dont il donna une
liste de 61 paires. Il a posé un problème touchant à la décomposition d’un
polygone et qui est à l’origine de la
suite de Catalan. Il a résolu de nombreux
problèmes comme ceux de la
croix, des deniers,
des fausses
enveloppes, des officiers,
des œufs et des
rencontres. Il a
étudié le parcours du
cavalier sur un échiquier et celui du chameau.
Le XIXe siècle s'est
intéressé à plusieurs sujets, notamment aux problèmes liés aux échecs, aux
carrés magiques, au solitaire, au
taquin, à la géométrie de
position et aux situations logiques. Cette dernière classe de problèmes fut
enrichie, entre autres, grâce aux travaux de Charles L. Dodgson, mieux connu
sous le pseudonyme de Lewis Carroll (1832-1898). On lui doit notamment un diagramme,
le problème des blessés et celui de l’horloge.
En 1837, Bernard
Violle a publié Traité complet des carrés magiques simples et composés.
Cet ouvrage en deux tomes partage les carrés magiques en deux classes :
ceux d’ordre pair et ceux d’ordre impair. L’auteur traite notamment des
carrés magiques à bordures, des
carrés magiques à compartiments,
des carrés magiques à croix, des
carrés magiques à châssis. On y
trouve aussi un essai sur les cercles
magiques, de même qu’un traité des cubes
magiques qu’on croit être le premier traité sur le sujet.
Édouard Lucas (1842-1891), pour sa part, a composé et
analysé des récréations en relation principalement avec l'analyse
combinatoire, la topologie et la théorie des nombres. Il a écrit de nombreux
articles sur des sujets à caractère récréatif et publié plusieurs livres,
dont quatre tomes de Récréations mathématiques. Son œuvre est un modèle
d’ingéniosité et de subtilité. Le problème de la traversée des ménages
est bien connu. Édouard Lucas, dans Théorie des nombres, l’a résolu
en faisant intervenir n couples. Il proposa des problèmes de carrés diaboliques,
d’allumettes,
de taquins continentaux, de ménages
autour d’une table, d’assemblage de dominos en quadrilles. Il a
montré l’utilité des échiquiers arithmétiques et étudié les réseaux bicursaux.
Il a inventé un abaque et des solitaires dont la tour de Hanoï
et celle de Brahma.
Il a analysé de nombreuses suites de nombres dont les nombres figurés et une suite
qui porte son nom.
S’inspirant des problèmes traditionnels et des devinettes
transmises de façon orale, l'Américain Sam Loyd (1841-1911) et le Britannique
Henry Ernest Dudeney (1857-1930), qui furent en même temps rivaux et amis, ont
donné aux récréations une tournure nouvelle en proposant de nombreuses
situations inédites. Tous deux composèrent des problèmes touchant notamment
aux propriétés des nombres, à la construction, au partage et au
découpage de figures géométriques, aux réseaux, aux combinaisons, au
déplacement de pièces d’échecs, aux carrés magiques, aux labyrinthes, aux
paradoxes, aux solitaires dont le tangram.
Le Britannique W. W. Rouse Ball (1850-1925) a publié en 1892
Mathematical Recreations and Essays. Ce livre étudie de façon
détaillée les récréations arithmétiques et géométriques, les polyèdres,
le parcours des pièces d’échecs, les carrés magiques, la topologie, l’analyse
combinatoire, la cryptanalyse. Le Canadien d’origine britannique H. S. M.
Coxeter (1907-2003) mit à jour les données de ce livre si bien qu’il fut
édité pour une 13e fois en 1987.
Au XXe siècle, des dizaines
d'auteurs de nombreux pays ont pris la relève. Citons : Pierre Berloquin,
Boris A. Kordiemsky, Maurice Kraitchik, Yakov Perelman, Fred. Schuh, J. A. H.
Hunter, Gyles Brandreth, Édouard Fourrey, Joseph S. Madachy. Certains ont
analysé des jeux, des récréations ou des solitaires ; d'autres en ont
composé. Ils ont ainsi élargi des domaines existants ou encore ouvert de
nouvelles voies.
L'Américain Martin Gardner
(1914-2010) a contribué plus que tout autre
à enrichir les mathématiques récréatives. Auteur de nombreux articles, en
particulier dans la revue Scientific American, et d'une quarantaine de
livres, Martin Gardner a analysé de façon remarquable un grand nombre de
sujets et a composé de nombreux problèmes. À ce titre, il peut être
considéré comme le père des mathématiques récréatives. Voici quelques-uns
des nombreux sujets analysés par Martin Gardner :
L’américain William L. Schaaf a produit dans les années
1970 un guide bibliographique dans lequel il a dressé une liste exhaustive des
articles et des livres de mathématiques récréatives qui ont été publiés
jusqu'à lui. Cet ouvrage permet de saisir l’ampleur de la production de la
littérature récréative.
Dans les années 1970, le Hongrois Ernö Rubik a imaginé un cube
formé de 26 petits cubes visibles multicolores. Ce solitaire fut appelé cube
de Rubik. Il eut un énorme succès dans le monde entier. Il n’était pas rare
de voir un amateur manipuler le cube dans les cafés, les trains, les gares,
etc. Un siècle plutôt, le taquin qui avait été popularisé par Sam Loyd
avait été aussi très populaire. Alors que le cube de Rubik se joue dans l’espace,
le taquin se joue dans le plan. À la suite du succès du cube de Rubik, de
nombreux solitaires à trois dimensions furent mis sur le marché. Au début des
années 2000, le sudoku, un autre solitaire, fit fureur sur la planète.
À la fin du XXe siècle, l’entrée massive d’internet
dans les foyers a permis aux mathématiques récréatives de faire un nouveau
pas. De nombreux sites ont été mis sur pied. Des chercheurs dont les travaux n’avaient
pas encore été publiés ont profité de ce réseau pour présenter leur
découverte au monde entier. Les écrits ne sont pas tous d’égale
valeur ; mais ils permettent à un plus grand nombre de participer à l’enrichissement
de cette discipline.
De plus, la rapidité et la simplicité des communications
sont des éléments majeurs dans la diffusion. Internet facilite les échanges
de problèmes et ainsi reprend la voie qui a permis l’éclosion et le
développement des mathématiques récréatives. Û
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Solutions des problèmes
Solution 1. La quantité est 12.
Solution 2. Les nombres sont 41, 80 et 320.
Solution 3. Il y a deux hommes, cinq femmes et 13 enfants.
Solution 4. On doit placer deux religieuses dans chaque coin.
Solution 5. On soustrait 250 du nombre obtenu pour trouver un
nombre dont les chiffres indiquent les points de ces dés dans l’ordre.
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